Tribune : Pourquoi une Pride radicale à Nancy en 2025 ?
Ce 8 juin aura lieu la 17ème Pride de Nancy, organisée par les associations et organisations LGBTQIA+ de Nancy. Moment de fête pour la communauté, lui permettant de célébrer la tolérance, la liberté d’être qui on veut et d’aimer qui on veut, la Pride est aussi un moment de revendications liées aux droits devant encore être acquis.
La dernière Pride, en 2024, avait notamment été marquée par l’actualité politique des élections européennes, qui voyaient l’extrême-droite arriver largement en tête en France. S’il faut le rappeler : celle-ci menace bien les droits et l’existence même des personnes LGBT, qu’on parle des groupuscules néofascistes ou du Rassemblement national et compères. Surtout, elle a servi de caution au gouvernement Barnier (avant de le faire tomber après quelques mois), un gouvernement composé en grande partie d’opposants notoires aux droits LGBT, issus des Républicains. Ce même parti avait proposé la même année une loi transphobe, visant à encadrer les transitions de genre des mineurs, finalement adoptée par le Sénat.
On retrouve cette année les mêmes dangers pour les droits LGBT et la même connivence entre le gouvernement et l’extrême-droite, alors que la Pride parisienne subit des attaques coordonnées provenant de toute la sphère réactionnaire. Elle est notamment accusée de représenter sur son affiche le drapeau de la Palestine (à tort, puisqu’il n’y figure pas, mais on se demande en quoi ce serait dommageable), mais surtout de représenter des personnes d’origines diverses saisissant un néo-fasciste assommé, avec pour mot d’ordre : “Contre l’internationale réactionnaire”. Cette dernière condamne, par l’intermédiaire de Jean-Philippe Tanguy du RN, mais surtout fait pression : la région Ile-de-France et la DILCRAH (délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT), partenaires de l’évènement, ont décidé de retirer leurs subventions.
Ces attaques violentes posent finalement la question du caractère politique de la Pride. A Nancy, elle est évidemment politique, par ses slogans mais aussi par les organisations qui y participent. L’année dernière, la présidente de l’association Équinoxe, le centre LGBTI+ de Nancy, s’était exprimée pour rappeler les principales revendications de la marche : lutter contre les lois homophobes et transphobes, exprimer la solidarité de la communauté avec les peuples opprimés et condamner la libre parole de Benjamin Netanyahu, la veille, sur une heure de grande écoute au 20 heures. La Pride de Nancy est finalement bien politisée par ses co-organisateurs : est-ce pour autant une “Pride radicale” ?
Qu’est-ce qu’une Pride radicale ? Là où la Pride traditionnelle est présentée comme un moment de festivités pour les personnes LGBT, la Pride radicale revendique une approche plus politique, critique et intersectionnelle. Elle met l’accent sur les droits LGBT qui doivent encore être acquis, comme la fin des mutilations des personnes intersexes, le remboursement total des parcours de transition, la PMA pour toutes et tous, sans conditions. Ancrée dans les luttes sociales, elle refuse une compromission avec les logiques marchandes, des sponsors bénéficiant du pinkwashing ou la présence policière. Elle milite pour l’autodétermination des personnes trans et intersexes, mais aussi contre la répression des mouvements sociaux et pour la solidarité internationale avec les opprimés.
En 2023, une Pride radicale a ainsi été organisée à Strasbourg par un comité regroupant plusieurs organisations syndicales et politiques, une marche plus sobre que la Pride mainstream, sans chars appartenant à des entreprises, comme à Paris, où les entreprises Air France et BNP Paribas étaient présentes par le biais de chars et de banderoles à l’image de leurs marques. D’autres prides radicales sont organisées partout en France, comme à Metz, Marseille et Lyon.
Et Nancy, dans tout ça ? Cette année, un cortège radical est présent en tête de la marche, accompagnant le cortège PMR. La commission des fiertés, qui regroupe Equinoxe et les collectifs partenaires, a fait le choix d’une seule et unique manifestation. Au risque de diluer la portée des revendications, qui restent l’expression des seuls participants ? En outre, la police reste présente pour assurer la sécurité et le bon déroulement de la manifestation. Les syndicats, s’ils ne sont pas les principaux responsables du défilé, y ont tout de même des chars : c’est le cas de la CGT ou de l’UNEF.
Mais pourquoi une Pride radicale à Nancy ? Nous avons évoqué la montée en puissance de l’extrême-droite en France mais aussi en Europe avec la banalisation des discours de haine et des agressions envers des membres de la communauté LGBTQIA+. Les agressions homophobes connaissent une recrudescence avec la montée politique de l’extrême-droite. Après la victoire du RN aux élections européennes, plusieurs militants d’extrême-droite proches du GUD ont agressé une personne homosexuelle en plein Paris, déclarant après cette agression : « Vivement dans 3 semaines, on pourra casser du PD autant qu’on veut (sic.) », faisant référence à une potentielle majorité absolue pour le RN aux dernières élections législatives. La ville de Nancy n’est malheureusement pas immunisée aux agressions homophobes. Au cours des dernières années, plusieurs attaques homophobes ont été recensées dans le secteur de la Place Stanislas, la dernière en date se déroulant le 4 avril dernier. Alors qu’il sortait d’une soirée avec ses amis, Jérémy a été passé à tabac par une dizaine d’individus, après avoir été interrogé sur son orientation sexuelle.
Organiser une Pride radicale à Nancy, c’est choisir de ne pas céder à la banalisation politique et à la récupération marchande. C’est réaffirmer que les droits LGBT ne sont ni acquis, ni hors du champ des luttes sociales et politiques. C’est aussi affirmer une solidarité active avec les minorités opprimées, contre les violences systémiques et les discours de haine qui se banalisent. À l’heure où certaines villes voient l’extrême-droite gagner du terrain jusqu’à remettre en cause les fondements mêmes des libertés publiques, Nancy a encore la possibilité de tracer un autre chemin. Il appartient désormais aux collectifs, aux associations et aux syndicats de faire de cette Pride un véritable acte de résistance.