Coupes budgétaires à l'Université de Lorraine : une crise qui inquiète

Hillana MICOLAS
par Hillana MICOLAS
le jeudi 10 avril 2025

L'Université de Lorraine est en proie à une crise financière sans précédent, conséquence directe des restrictions budgétaires imposées par l'État français. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit 1,3 milliard de coupes supplémentaires : des filières et des places pourraient être supprimées à l'Université. La présidente, Hélène Boulanger, alerte sur la nécessité d'un soutien financier accru pour garantir l'avenir de l'institution.

Une accumulation de charges insoutenables

Depuis 2022, l'Université de Lorraine a dû faire face à 54 millions d'euros de charges non compensées. Depuis 2019, l'État ne compense plus le glissement vieillissement-technicité, entraînant une augmentation annuelle de 2 millions d'euros sur la masse salariale. L'augmentation du point d'indice n'a pas été accompagnée d'un financement correspondant, laissant une charge supplémentaire de 7 millions d'euros à l'Université de Lorraine.

Les conséquences de la guerre en Ukraine, avec la flambée des prix de l'énergie et l'inflation, ont ajouté une pression supplémentaire de 25 millions d'euros sur trois ans. Pour 2025, l'université devra encore absorber 8 millions d'euros supplémentaires, notamment en raison de l'augmentation du CAS Pensions.

Des répercussions directes sur les emplois et les bâtiments

Face à ce sous-financement chronique, l'Université de Lorraine a dû renoncer à 190 équivalents temps plein en 2024, impactant directement la qualité de l'enseignement et de la recherche. Cette situation inquiète Camille Diou, vice-président chargé des finances, qui redoute une baisse du nombre d'étudiants accueillis.

Par ailleurs, le programme pluriannuel d'investissement immobilier (PP2I) a été drastiquement réduit. Initialement prévu à 120 millions d'euros, il a été amputé d'un tiers, menaçant l'entretien des bâtiments.

Un impact sur la qualité de l'enseignement et les conditions étudiantes

Les restrictions budgétaires ont également un impact profond sur la qualité de l'enseignement. La réduction du nombre d'enseignants et de personnel administratif se traduit par des effectifs plus chargés, une diminution du suivi pédagogique et une augmentation du stress tant pour les enseignants que pour les étudiants.

De nombreux étudiants dénoncent des cours surchargés, des difficultés à obtenir des rendez-vous avec leurs enseignants et un manque de ressources pour les travaux pratiques et les projets de recherche. La baisse des investissements immobiliers limite également l'entretien des infrastructures, entraînant des locaux parfois dégradés et des équipements obsolètes.

Valentin, étudiant en Licence 3 Information-Communication déplore la fermeture de certains parcours transversaux qui visent l'ouverture vers d'autres licences, et qui permettent un éventail plus large de connaissances et de compétences. Il incite les étudiants à se mobiliser pour dénoncer ces coupes budgétaires :

Elles s'accumulent au fil des années et de plus en plus violemment (...) l'intensification des coupes va commencer à véritablement se faire sentir, de manière générale. C'est l'éducation ainsi que la recherche qui seront compromis, alors qu'il s'agit de piliers cruciaux pour l'avenir.

Les services aux étudiants, tels que les bibliothèques, et les activités culturelles et sportives, subissent également ces restrictions budgétaires. En effet, des fermetures et des réductions sont prévues dès la rentrée 2025. Certaines filières pourraient même être menacées et la possibilité de redoublement aussi. Le FSDIE (Fonds de Solidarité et Développement des Initiatives Étudiantes), qui permet de subventionner des projets étudiants, pourrait aussi être impactée si les restrictions s'intensifient. Ces difficultés pèsent sur le moral des étudiants et peuvent significativement augmenter le taux d'échec universitaire.

Un avenir incertain

Les projections budgétaires pour 2028 sont alarmantes : la trésorerie de l'université pourrait devenir négative, compromettant son fonctionnement. Pour maintenir une capacité d'autofinancement viable, il faudrait un apport annuel de 30 millions d'euros, un montant difficilement atteignable sans soutien accru de l'État.

Face à cette impasse, plusieurs options sont à l'étude : une diversification des recettes grâce aux subventions et contrats externes, ou, en dernier recours, une réduction des dépenses impliquant des suppressions de postes et une diminution de l'offre de formation.

Une mobilisation nécessaire

Lors de ses vœux en janvier 2025, Hélène Boulanger a affirmé sa détermination à maintenir un niveau d'investissement élevé, soulignant le rôle essentiel de l'université dans le développement économique et social du territoire. Elle a également apporté son soutien à l'initiative de France Universités pour contester ces restrictions budgétaires et a même été élue Vice-Présidente de France Universités. De quoi donner une voix supplémentaire pour représenter l'Université de Lorraine au niveau national. Le syndicat étudiant UNEF, quant à lui, s'est activement mobilisé à l'occasion des Élections Universitaires, pour essayer d'avoir un impact favorable sur le destin des étudiants de l'Université de Lorraine.

Dans un contexte où les universités françaises sont de plus en plus fragilisées, la communauté universitaire de Lorraine espère une prise de conscience rapide des décideurs politiques. Sans mesures correctives, c'est l'ensemble du système universitaire qui pourrait être remis en question, avec des conséquences désastreuses pour la formation et la recherche.