Tribune : Hommage aux victimes... mais toujours aucun discours pour les Palestiniens et les Libanais

le mercredi 06 novembre 2024
Louis GODARD
Louis GODARD
Citoyen engagé, militant pour la paix

Observateur attentif de la vie publique nancéienne, Louis Godard libre son avis sur le traitement local de la situation politique internationale.

Les symboles ont toujours autant d’importance en politique. Quand le drapeau israélien brille sur l'Hôtel de ville de Nancy, Stanislas a bien raison de lui tourner le dos. C’est la deuxième année consécutive que Mathieu Klein, maire de Nancy, rend hommage aux victimes des attentats terroristes du 7 octobre 2023 de cette manière : un discours devant la projection du drapeau sur sa mairie. L’ensemble paraît cynique : on ne peut pas appeler à la paix quand le gouvernement du pays dont on projette le drapeau affame, terrorise et tue, quand le monde entier appelle Israël à modérer sa brutale « légitime défense ». Personne n’aurait songé à projeter le drapeau de la Russie suite à l’attentat islamiste du 22 mars 2024 en banlieue de Moscou, alors que celle-ci envahissait l’Ukraine.

3 002 tués, 13 000 blessés, et des centaines de milliers de Libanais déplacés depuis le 8 octobre 2023. C’est le résultat des opérations militaires israéliennes visant le Liban, en réaction aux tirs de roquettes du Hezbollah depuis le territoire contesté des fermes de Chebaa. Les affrontements se sont intensifiés à l’approche de l’anniversaire funeste du 7 octobre : après un mois de bombardements indiscriminés, l’armée israélienne envahit le Liban le 1er octobre, énième répétition des opérations à grande ampleur de 1978, 1982 et 2006.

Mais quand sera donc projeté le drapeau du Liban ou même celui de la Palestine sur l'Hôtel de ville de Nancy ?

Il n’est pas question ici de s’attarder sur une guerre du chiffre, futile et dépourvue de compassion : il est tout à fait possible de déplorer les morts israéliennes dues aux attaques terroristes sur Israël, comme les morts causées par les attaques illégales et indiscriminées de Tsahal, en Palestine comme dans les pays voisins.

Le fait est qu’en plus d’un an, la Ville de Nancy et Mathieu Klein n’auront jamais reconnu la responsabilité israélienne dans ce conflit, s’attardant bien peu sur le sort des Palestiniens et des Libanais. En décembre 2023, la Ville vote deux aides de 10 000€, pour les réfugiés palestiniens via Cités Unies France (CUF) et pour la ville jumelle de Kiryat Shmona, frappée par les attaques incessantes du Hezbollah. Depuis, l'inaction symbolique de la ville interroge à mesure que le conflit s'aggrave, tandis que d'autres collectivités s'efforcent de tendre la main aux Palestiniens.

Le 4 novembre 2024, la majorité municipale décide d’accorder une aide de 10 000€ à CUF pour la ville partenaire de Saïda. Cette dotation est accompagnée d’un communiqué, fustigeant « l’attaque du Hezbollah sur le Liban » le 23 septembre… alors même qu’il s’agit du jour où Tsahal a le plus bombardé le Liban, avec 569 personnes tuées, dont 35 enfants. Pas une seule fois l’auteur avéré de ces bombardements n’est mentionné par la majorité, qui ment ouvertement sur la responsabilité de cette invasion ; une inversion rhétorique déjà testée par la Russie en 2022, qui accusait l’Occident de l’avoir poussé à envahir l’Ukraine.  

Notons aussi qu’en 2020, à peine 48h après l’explosion du port de Beyrouth, la ville annonçait une aide de 20 000€, l'Hôtel de Ville était illuminé aux couleurs du Liban et Mathieu Klein rencontrait publiquement l’ambassadeur libanais. Or, il n’y avait pas d’agresseur à cette époque.

C’est donc un sentiment d’injustice qui règne chez tous ceux qui se montrent sensibles au carnage à Gaza, en Cisjordanie ou au Liban. La gauche devrait montrer l’exemple : il faut évidemment et obligatoirement dénoncer la montée de l’antisémitisme en France, ce que Mathieu Klein  fait. Mais cette lutte contre l’antisémitisme doit aussi passer par la dénonciation du « deux poids, deux mesures » qui alimente la haine ambiante et le ressentiment. Rappeler les victimes des deux côtés, rappeler l’espoir vain de la solution à deux états ne rime à rien, si les morts et les hommages qu’on leur rend sont discriminés eux-mêmes.

par Louis GODARD, le mercredi 06 novembre 2024