Législatives anticipées : des Nancéiens entre espoir et résignation
A quelques jours du premier tour des élections législatives, nous sommes allés à la rencontre des Nancéiens, qui ont pour beaucoup exprimé un sentiment de lassitude vis-à-vis de la politique, et pour d’autres un espoir de changement. Reportage.
Abstention résignée ou choix de l’extrême-droite
Il est 16h dans le quartier de Clairlieu, à Villers-lès-Nancy. Nous nous trouvons à proximité du groupe scolaire Albert Camus, où se trouvent deux bureaux de vote ; le 9 juin dernier, le Rassemblement national est arrivé en tête à Clairlieu, comme dans le quartier populaire du Placieux. Un résultat qui dénote, dans une commune habituellement acquise au centre, dont le maire actuel s’est rallié à Emmanuel Macron.
Nous croisons Jean-Pierre (nom changé - NDLR), qui promène son chien à proximité de l’école. « J’ai toujours voté PS. », nous confie le vieil homme. « Mais je ne voterai plus. Ça ne m’intéresse plus. Depuis François Hollande, c’est terminé pour moi. ». Des mots fermes et une certitude tranquille. Un sentiment de résignation, voire de dégoût, partagé par plusieurs autres passants, pour certains plus radicaux : « Je n’irai pas voter, ces politiciens nous prennent pour des cons ! », nous lance un autre homme.
Un ressentiment à l’égard de la « politique politicienne », des « magouilles » et de la casse sociale infligée par les gouvernements successifs, qui se traduit par une hausse de l’abstention, mais aussi par un vote en faveur du Rassemblement national, souvent interprété comme « contestataire ». C’en est pourtant une vision simpliste, qui fait des classes populaires et rurales un « sous-électorat », de leur vote un « geste d'émotion ». Déclassement social et économique, insatisfaction à l’égard des services publics, idéalisation d’une « France d’antan » qui n’a jamais existé : toutes ces raisons motivent le vote RN dans toutes les classes socio-professionnelles.
Nous l’avons constaté à travers nos discussions : il n’y a plus un seul électorat du RN. A Laxou, Maxéville ou même dans Nancy, le RN parvient à s’imposer comme solution légitime. Il faut mettre en cause la responsabilité d’un gouvernement qui prétend lutter contre les extrêmes ; pendant sept ans, celui-ci s’est attelé à supprimer les garde-fous moraux et politiques qui permettaient de se prémunir de l’extrême-droite. Des années qui ont fait du Rassemblement national une alternative politique viable et respectable. Les quelques passants qui osent parler de ce choix nous le confirment : « Pourquoi ne pas essayer ? ».
L’espoir d’une alternative crédible à gauche
Tout au long de nos discussions, nous avons remarqué un fort intérêt pour ces élections, qui reflète un ressenti national : 63% des Français seraient certains d’aller voter, contre 47% en 2022. A gauche, nombreux sont enthousiasmés par l’alliance incarnée par le Nouveau Front Populaire. Si la volonté de faire barrage au RN est souvent mise en avant, il s’agit aussi d’imposer des idées, de faire front face au camp macroniste. Le souvenir de la réforme des retraites est encore vif. La crainte de devoir faire barrage au RN à nouveau pousse à se mobiliser. « Macron compte encore nous utiliser pour faire barrage au RN. On en peut plus ! L’alliance de gauche est la seule à proposer de vraies mesures sociales. » nous confie un Nancéien.
Certains n’ont pas accepté la présence de la France insoumise dans cette alliance. Dans le centre de Villers-lès-Nancy, une dame pressée nous dépasse et s’exclame : « Je ne voterai ni pour Stéphane Hablot (le candidat PS de la 2ème circonscription – NDLR), ni pour ce Front populaire. Quand vous êtes du PS, vous ne vous alliez pas avec les antisémites LFI ! ».
Une mère de famille s’arrête. Elle s’appelle Maryse. Si elle ne suit pas avec attention l'actualité politique, elle estime avoir les idées claires : « J’ai toujours voté à gauche. Je pense aussi à mes enfants, à leur futur. La montée de l’extrême-droite et de ses idées m’inquiète, alors je suis contente de cette alliance ».
Résultats de l’extrême-droite aux élections, thèmes repris par le gouvernement et les grands médias… La France bascule-t-elle à droite ? Loin des sondages et des biais médiatiques, les opinions exprimées dans la rue sont très nuancées et reflètent l’état d’esprit des Grand-Nancéiens. Certes, des micro-trottoirs ne peuvent reconstituer fidèlement l’opinion publique. Mais les avis exprimés témoignent de l’intérêt pour ces élections, avec une grande mobilisation à venir dans les urnes : ce dimanche à midi, la participation s’élève à 25,9%, contre 18,4% en 2022.