Clôture du Congrès du PS : l’unité… en apparence ?

La Rédaction
par La Rédaction
le dimanche 22 juin 2025
Clôture du Congrès du PS : l’unité… en apparence ? Photos Le Chardon

Réunis à Nancy le week-end dernier, les socialistes ont validé la reconduction d'Olivier Faure à la tête du parti. Si celui-ci misait sur l'évènement pour mettre en scène l'unité du PS, les divisions ont été étalées au grand jour. Derrière les inévitables débats sur l'alliance avec La France insoumise, c'est un PS en crise d'identité que Nancy a accueilli, tiraillé entre la perte de son ancrage populaire et la difficulté à adopter une stratégie contre l'extrême-droite et le macronisme.


« La presse est ainsi faite, qu'elle aime le buzz et ce qui permet de créer du conflit ou du débat. Vous voyez bien que le PS n'est pas si déchiré que ça, on a des gens qui sont capables de se parler, d'avancer ensemble », déclarait Olivier Faure il y a quelques jours, fraîchement réélu premier secrétaire du Parti socialiste. Certes, lui répondrait-on, les querelles sont le propre d'une démocratie partisane et le congrès incarne ce moment où la « base militante » débat, décide d'une ligne politique et légitime une direction. Ce qu'elle a fait à Nancy, le week-end dernier.

Pourtant, si les journalistes politiques n'ont eu de cesse de commenter la division du PS ou son inévitable impuissance, force est de constater l'attention disproportionnée qu'ils ont consacrée à cet événement ces derniers mois. Alors que le congrès s'achève, cette fois-ci dans les sections et les fédérations qui doivent encore se choisir un exécutif chacune, nous vous proposons de passer au temps long ; un dernier retour critique sur ces querelles intestines, pas sur le temps d'un congrès mais sur celui de la vie d'un parti qui peine à retrouver son ancrage social et politique. Car ce ne sont pas que l'affaire de « querelles de clans », pour citer Nicolas Mayer-Rossignol : la crise est plus profonde, au PS comme à gauche, et se joue la capacité à présenter un front uni aux prochaines échéances électorales, face à une extrême-droite plus hégémonique encore qu'en 2024.

Mais d'abord, un bref retour sur les résultats de ce congrès. Celui-ci s'est tenu physiquement à Nancy du 13 au 15 juin, lieu de réunion des délégués socialistes afin de confirmer les résultats des votes sur les TO et sur le premier secrétaire du parti. Olivier Faure est donc reconduit à 51,15%, avec seulement 500 voix d'écart avec son concurrent, le rouennais Nicolas Mayer-Rossignol. Un résultat presque identique à celui du précédent congrès, à la différence près qu'il n'y aura pas eu de remise en cause des résultats du scrutin de la part du perdant.

En Meurthe-et-Moselle, comme prévu, Olivier Faure ressort largement vainqueur de ce congrès. Sur quelque 203 votes, il en recueille 137, contre 62 pour Mayer-Rossignol et 4 blancs. Issue du camp fauriste et seule candidate au niveau fédéral, c'est la députée Estelle Mercier qui prendra la chefferie du PS 54 (son opposante du TO C, Marie-Claire Donnen, est élue au Conseil national). La participation est largement concentrée à Nancy, avec des sections vidées de leurs militants à travers le département ; à Tomblaine, le seul adhérent à jour de cotisation n'a pas voté. Hormis dans les fiefs du Val de Briey, à Moineville et Valleroy, la ruralité est largement absente du compte.

Des militants des Jeunes Socialistes écoutent le discours d'Olivier Faure

Des militants des Jeunes Socialistes écoutent le discours d'Olivier Faure.

Le PS doit « parler aux ouvriers, aux paysans et aux travailleurs », pour reprendre les mots de Boris Vallaud. Ils sont plusieurs à avoir identifié la déconnexion entre les cadres du parti et les masses, alors que l'extrême-droite s'ancre non seulement dans les territoires ruraux, mais aussi dans les villes et les espaces périurbains.

Secrétaire de la section de Nancy, Anthony Perrin nous le confirme : « Le PS ressemble de plus en plus à un parti d'élus et de collaborateurs ». Pour y remédier, celui-ci mise sur une meilleure représentativité, tant dans les sections qu'au sommet. Le député Philippe Brun, qui souhaitait sortir le PS de son « entre-soi bourgeois » en réintégrant les classes populaires au cœur du parti, s'était allié avec Nicolas Mayer-Rossignol pour peser davantage dans l'appareil. Sans succès ; au départ portée par Fatima Yadani (élue sur la liste d'Olivier Faure), sa motion ne compte que trois autres signataires sélectionnés par le TO C pour figurer aux hautes instances du Parti.

Les militants du PS ont-ils jamais été issus des classes populaires ?  Derrière cette catégorie qui regroupe mal des vécus divers, on trouve des groupes aux intérêts de classe antagonistes à ceux des dirigeants socialistes et loin d'être passifs, dans l'attente que le militant socialiste lui tende la main. Si la figure du militant populaire reste centrale dans l'imaginaire socialiste, le politiste Henri Rey constate que seuls 20% des effectifs du PS de l'époque Mitterrand étaient des employés ou des ouvriers, même dans les départements les plus ruraux ou industriels.

Autre soutien de Nicolas Mayer-Rossignol, le député du Toulois, Dominique Potier, a défendu une reconquête de la ruralité : « Toutes ces personnes devraient être de gauche. Toutes ces personnes devraient voter à gauche. Ce sont des personnes qui souffrent au niveau du pouvoir d'achat, du sens de leur vie ». Avant de se livrer à un réquisitoire, en tacle glissé à l'aile gauche du PS : « Elles nous ne demandent pas de la radicalité, du progressisme, je ne sais quel vertige bourgeois. Elles nous demandent de l'humilité, d'entendre ce qu'elles ont à nous dire, les questions de sécurité, de pouvoir de vivre [...] une gauche du concret, du réel. »

Discours de Dominique Potier, le samedi 14 juin.

Discours de Dominique Potier, le samedi 14 juin.

Cette critique, Potier l'associe plus tard à des « fantasmes et des délires », sans plus les définir, des mots qui sous-entendraient une dérive de la gauche. Un discours confusionniste, qui préfère évacuer la question sociétale au profit du « réel », ouvrant grand la porte à des thèmes réactionnaires sous prétexte de récupérer des batailles abandonnées par la gauche et de convaincre des foules réticentes aux discours les plus « radicaux ». Il s'agit d'un faux dilemme : on peut (et on doit) à la fois répondre aux préoccupations matérielles des classes populaires et défendre les droits des femmes et des minorités. Surtout dans les territoires les plus conservateurs, ces luttes sont cruciales et non-négociables : c'est la vie de personnes menacées dont il est question ici.

Ce discours s'appuie pourtant sur une réflexion idéologique, ces dernières années, autour de la social-démocratie du réel, voire du compromis, qui prétend rompre avec le néolibéralisme de Hollande et de Macron mais aussi le « populisme » de la France insoumise. Un projet non moins paradoxal, car porté par des proches de François Hollande lui-même : Bernard Cazeneuve, Karim Bouamrane ou même Jean-Christophe Cambadélis.

« Il faudra clarifier s'il veut éviter la fracture »

Officiellement, les désaccords tiennent d'abord à la stratégie électorale et au rapport avec LFI. En réalité, si les deux camps sont tous attachés à la maison socialiste, il y a bien plusieurs conceptions différentes de ce que devrait être le socialisme. 

En ouverture du discours d'Olivier Faure, les militants des Jeunes Socialistes scandent un « Unité ! » bruyant ; comme un rappel historique, l'unification des socialistes français au sein de la SFIO, au congrès du Globe auquel celui de Nancy rend hommage. Mais dans les travées, l'appel semble autant viser à l'unité interne au PS qu'à celle de la gauche tout entière.

De l'autre côté de la salle, les soutiens de Nicolas Mayer-Rossignol lancent à leur tour, plus bas, des « Nicolas ! Nicolas ! », à peine Faure monté sur scène. Ambiance. Et pourtant, si un accord entre les deux courants était espéré à l'issue du week-end, il a volé en éclats dès le samedi soir. Le rouennais devait prendre la parole pour mettre un terme aux tensions ; en résulte finalement une série de formules choc : « Être fidèle au socialisme dans ce congrès, c'est affirmer unanimement qu'il n'y aura pas, qu'il ne peut plus, ni au plan national, ni au plan local, ni en cas de dissolution (!), d'alliance avec la France insoumise ». Dans la salle, ses partisans exultent. « On a besoin de clarification avec LFI. [...] Il faudra clarifier s'il [Olivier Faure] veut compter sur la moitié des militants du PS. Il faudra clarifier s'il veut éviter la fracture », appuie Karim Bouamrane en marge du congrès.

La question de l'alliance avec LFI revient sans cesse et parasite les débats, au point d'être retenue comme seul prétexte pour ne pas sceller d'accord programmatique entre les deux camps. Pour les socialistes du TO C, rompre définitivement avec LFI ne serait pas qu'une question de divergences politiques mais de « valeurs », dénonçant des désaccords sur l'universalisme, la laïcité et la lutte contre l'antisémitisme. En toile de fond, l'échéance des présidentielles de 2027. « Il faut un candidat dès la première partie [des élections], si le PS veut se maintenir comme parti national », tranche Anthony Perrin.

Finalement, ce congrès n'aura pas permis de trancher la ligne programmatique du PS. Clôturé par un discours fort en paroles radicales de la part du premier secrétaire, les symboles forts n'ont pas manqué, entre L'Internationale et Bella ciao ; mais peu de réponses concrètes aux problèmes soulevés tout le week-end. Le débat a été largement parasité par l'opposition entre deux blocs, composés eux-mêmes de plus petits groupes aux intérêts divergents mais réunis autour d'un besoin de "clarification" ou non, vis-à-vis de LFI, présenté comme le grand adversaire à gauche. Ce n'est pas seulement la stratégie électorale qu'il faut clarifier, mais le projet lui-même. A qui parle le PS aujourd'hui ?

Pourtant dans certaines villes, malgré des affrontements rhétoriques, des militants continuent de faire vivre l'esprit du NFP. Par pragmatisme, par urgence ou tout simplement parce que les réalités locales l'imposent, l'union de l'ensemble de la gauche est officialisée dans plusieurs communes où l'extrême droite profite du repli partisan et de la confusion entretenue.